Cette année-là, en 1985, qui aurait pu prédire l'impact de cette chanson ?
À 33 ans, Renaud compte déjà plus de dix ans de carrière et de succès derrière lui.
Il écrit avec son ami Franck Langolff « Éthiopie » pour Chanteurs sans Frontières, dans le cadre d’une opération destinée à récolter des fonds pour lutter contre la famine en Éthiopie. Puis, le chanteur, en fin de contrat chez Polydor, signe chez Virgin. Il s’envole alors pour Los Angeles pour se ressourcer et travailler sur un nouvel album, le septième, « Mistral Gagnant », sorti en décembre 1985. Celui-ci connaît un énorme succès courant 1986 et se vend à plus de 1 300 000 exemplaires.
Aux côtés de neuf autres titres figure la chanson éponyme, l'une de ses plus connues. Elle a failli ne pas voir le jour ! Et pourtant...
Renaud écrit ce texte d’une seule traite, en une demi-heure, sur un cahier d’écolier avec la guitare sur les genoux, un après-midi dans un coin du studio. Et quel texte ! C’est de l’absence qu’est née son inspiration. Aux États-Unis, bien qu’entouré de son équipe française et de ses musiciens américains, il trouve le temps long, a le moral dans les chaussettes. Sa fille Lolita, sa muse, née cinq ans plus tôt et restée en France avec sa mère Dominique, lui manque terriblement. Ce coup de blues lui permet de se réconforter en écrivant. Mais le compositeur au bandana rouge doute. Il a peur que cette chanson, qu'il juge trop intimiste, ne corresponde pas à ce qu’entend de lui le public.
Dans la soirée, il appelle alors Dominique au téléphone et lui dit : « J’ai écrit une petite chansonnette, mais je ne sais pas si je vais l'enregistrer. J'ai la musique malgré tout, mais je ne pense pas que je vais la mettre sur le disque, parce que c'est une chanson un peu trop impudique et qui ne concerne personne, qui ne touchera personne puisque je ne parle que de moi, de mon enfance envolée et de ma nostalgie des bonbecs de mon enfance, des roudoudous, des mistrals gagnants et des carambars. »
Le chanteur fredonne alors le morceau, l'écouteur calé sur les oreilles et la guitare dans les mains. Touchée par la sincérité du texte, les larmes aux yeux qu’il ne verra pas, elle lui lance un ultimatum : « Si tu ne mets pas cette chanson sur ton prochain album, je te quitte. » Il sait que cette phrase n’est pas prononcée sur le ton de la plaisanterie. Renaud exaucera le vœu de son épouse dès lors. Dans la nuit, Jean-Philippe Goude s'occupe de l'orchestration au piano et de l’arrangement. Dès le lendemain, la chanson est prête à être enregistrée.
Dans cette chanson culte, l'écriture prend ici toute son importance. Il s’agit d’un véritable poème, on note dans les couplets la même structure avec une gradation de « te raconter un peu... » puis « te raconter surtout... » à « te raconter enfin... ».
Dans cette œuvre d’exception, Renaud, devenu papa poule, parle à sa fille assis sur un banc imaginaire, afin de se mettre à sa hauteur, lui raconte ses bêtises, les douceurs et l'insouciance de son enfance, la nostalgie et le temps qui passe et ne se rattrape pas. Ayant grandi dans une famille aimante aux côtés de ses frères et sœurs, il se souvient de cette enfance et de cette jeunesse jalonnées de joies, parfois d’engueulades, de rires, de musique, en somme de petits plaisirs qui font le sel de la vie. Parce qu’il l’aime plus que tout, il veut transmettre à Lolita ses instants chers à son cœur et ses conseils pour qu’elle puisse s’épanouir, « Aimer la vie, l’aimer même si le temps est assassin... »
Hummm ! "Mistral Gagnant" qui tire son nom d’une confiserie d’autrefois se présentant sous la forme de petits sachets en papier vert contenant une poudre sucrée, parfumée et pétillante sur la langue que l’on aspirait avec une paille en réglisse. Si l’on trouvait l'inscription "gagnant" à l'intérieur de l'emballage, cela permettait d’en avoir un autre gratuitement en échange, d’où son nom ! Le bonbon coûtait 10 centimes (de francs) !!!
Lors du tournage du clip vidéo en avril 1986, le réalisateur cherchera en vain les Car-en-sac, Minto, Caramels, Coco Boers, Roudoudous et Mistral Gagnants. Ils ont bel et bien disparu !
"Mistral Gagnant", selon un sondage BVA publié en 2015, est la chanson française préférée des Français, 2:46 min d’intense bonheur où chacun peut se retrouver dans ces paroles qui nous touchent en plein cœur car ces petits instants précieux sont en fait les grands moments de nos vies. Et puis, il y a cette tendresse à émouvoir les gens. La chanson a même surpris et séduit certains détracteurs du chanteur habitués à l’entendre sur un registre contestataire.
"Mistral Gagnant", outre le titre de l’album, c’est également le nom d’une association belge créée en 1991 et parrainée par Renaud qui a pour objet de réaliser, le temps d’un jour, le rêve d’enfants atteints de maladies graves.
Ces dernières années, des artistes, d’Yves Duteil en passant par Amel Bent, Cœur de Pirate, Grand Corps Malade ou encore Louane et Calogero, entre autres, ont repris cette chanson qui connaît toujours le même succès, la magie opérant une nouvelle fois. "Mistral Gagnant" a gagné la postérité.
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